"Que regardez-vous d’abord chez un chef ? Son N°2."

Le N°2 n’est pas un poste. C’est un révélateur.

Et il dit toujours quelque chose d’essentiel du leadership du N°1.

Quand on évalue un chef, on regarde presque toujours la même chose : sa personnalité, son charisme, sa capacité à décider, son expertise, parfois ses résultats. On observe ce qu’il fait, ce qu’il impose, ce qu’il maîtrise.

Beaucoup plus rarement, on regarde ce qu’il produit autour de lui.

Et pourtant, s’il ne fallait observer qu’une seule chose pour comprendre la nature profonde d’un leadership, ce serait celle-ci : son N°2.


Le N°2 réel n’est pas celui de l’organigramme

On peut nommer un adjoint. On peut attribuer des délégations. On peut créer un poste de “numéro deux”.

Mais un véritable N°2 ne se décrète pas.

Il apparaît lorsqu’une personne commence, dans la réalité du travail :

  • à agir au-delà de sa fiche de poste,
  • à porter des enjeux plus larges que son périmètre,
  • à assumer des conséquences qui ne lui ont pas été explicitement confiées,
  • et à devenir un point d’appui reconnu par le collectif.

Le N°2 n’est pas d’abord une fonction. Il est un phénomène vivant du système.

Le N°2 parle moins de lui que du chef

On croit spontanément que le N°2 dit quelque chose de la personne qui “monte”. C’est vrai. Mais ce n’est pas l’essentiel. Ce qu’il révèle d’abord, c’est la nature du leadership du N°1.

Un leadership strictement autoritaire peut produire de l’obéissance, parfois de la performance. Mais il produit rarement un N°2.

Un leadership fragile peut faire émerger des talents, mais il peine souvent à supporter leur montée en puissance.

Un leadership plus mûr, lui, rend possible l’apparition d’un autre leadership à ses côtés, sans y voir immédiatement une menace.

Observer le N°2, c’est donc observer le rapport intime du chef au pouvoir, à la sécurité intérieure et à la croissance des autres.

Le N°2 révèle le rapport du chef au pouvoir

Dès qu’un N°2 apparaît, une ligne de partage devient visible.

Si le pouvoir est vécu comme une possession, le N°2 devient rapidement dangereux.

S’il est vécu comme une fonction au service du système, le N°2 devient une ressource.

La manière dont un chef traite son N°2 – soutien, méfiance, rivalité, marginalisation, intégration – révèle bien plus que tous ses discours sur le management.

Le N°2 révèle la capacité du chef à faire grandir

Dans certaines équipes, rien n’émerge durablement en dehors du chef. Tout dépend de lui, tout revient à lui, tout s’arrête à lui.

Dans d’autres, apparaissent progressivement des figures d’appui, des leaders de fait, parfois un véritable N°2.

Cette différence ne tient pas d’abord au niveau initial des collaborateurs. Elle tient au milieu de croissance que le leadership crée – ou non.

Le N°2 n’est pas “sélectionné” par le chef.

Il est rendu possible par la manière dont le chef occupe sa place.

Le N°2 met à l’épreuve la tolérance à la dissymétrie

Un N°2 authentique n’est ni un clone ni un simple exécutant. Il est suffisamment proche pour comprendre le chef, et suffisamment distinct pour introduire une autre lecture, parfois une autre tension.

Cette dissymétrie est inévitable.

La question n’est pas de savoir si elle existe, mais si elle est supportable pour le chef.

Là où elle ne l’est pas, on observe toujours les mêmes issues : adjoints décoratifs, talents neutralisés, départs silencieux. Là où elle est intégrée, le duo devient une véritable force de pilotage.

Le N°2 révèle le rapport du chef à la loyauté

Le N°2 dit aussi ce que le chef attend réellement de la loyauté.

S’agit-il d’une loyauté d’alignement, qui autorise la parole, le désaccord et la tension tant qu’ils restent au service du cap ?

Ou d’une loyauté de soumission, qui confond fidélité et silence ?

La manière dont un chef interprète les écarts, les alertes ou les désaccords de son N°2 est un indicateur très fin de la maturité de son leadership.

Et quand il n’y a pas de N°2 ?

L’absence durable de N°2 n’est jamais neutre. Elle ne signifie pas automatiquement un manque de talents. Elle signifie toujours quelque chose du système de leadership.

Elle peut révéler une centralisation excessive, une insécurité du chef, un climat qui dissuade l’initiative, ou une organisation pensée pour l’obéissance plus que pour la responsabilité.

La vraie question n’est alors pas :

« Pourquoi n’y a-t-il pas de N°2 ? »

mais :

« Qu’est-ce que le leadership en place rend impossible ? »

Le moment de vérité : quand un N°2 commence à apparaître

Le moment le plus révélateur est toujours le même : celui où un autre leadership commence à se dessiner à côté du chef.

À cet instant, tout se dévoile. Certains se sentent menacés. D’autres se rigidifient. D’autres entrent en rivalité. Plus rarement, certains s’ajustent.

Le N°2 devient alors une épreuve de vérité, non pas pour celui qui monte, mais pour celui qui est déjà en place.

Une grille de lecture simple pour les dirigeants et les recruteurs

On peut alors poser une thèse claire et directement opérante :

On reconnaît moins un chef à l’autorité qu’il exerce qu’au type de N°2 que son leadership rend possible.

Certains produisent surtout des exécutants performants, des experts solides, des figures rassurantes.

Plus rarement, certains produisent un véritable N°2.

Dans ce cas, ce n’est pas seulement une réussite organisationnelle.

C’est un signe de maturité du leadership lui-même.

Conclusion

Le N°2 est souvent pensé comme un enjeu de succession, un problème d’ego ou un risque politique. Il est en réalité un révélateur beaucoup plus profond.

Il révèle le rapport du chef au pouvoir, sa sécurité intérieure, sa capacité à faire grandir, son rapport réel à la loyauté et à la dissymétrie.

On croit parfois que le N°2 est un danger pour le chef.

En réalité, il est son miroir le plus fidèle.

Et, dans les formes de leadership les plus abouties, sa preuve la plus claire.


Dans mon travail d’accompagnement, l’observation du N°2 est souvent le point d’entrée le plus rapide pour comprendre ce qui se joue réellement dans un leadership et dans une équipe.


Thierry Cammarata

ⵣ arbitrium14

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Image par 👀 Mabel Amber, who will one day de Pixabay

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