Stratégie de management : les 8 leviers

En matière de stratégie : toute action ne peut être effectivement jugée qu'au regard du but poursuivi.

Ainsi, à chaque fois que l'on vous demandera votre avis sur ce que quelqu'un fait, vous demanderez en retour : quel est son but ?

Évidemment, on ne le connaît pas toujours mais il est souvent possible de le conjecturer.

Les huit leviers stratégiques permettent de faire le tour d'une stratégie, de s'en faire une idée précise et, pourquoi pas, la corriger en cours de route.


Pour m'en souvenir, j'utilise une phrase dont l'initiale de chaque mot rappelle chacun des 8 leviers : 

Mon Ours Doit Empêcher La Truite d’Onduler sans Cesse.

Tour-à-tour, passons ces leviers en revue pour évaluer les enseignements que tout décideur peut tirer.

1/ Mission

La mission est le but poursuivi par l'organisation mais aussi les valeurs qui sont promues et son efficacité à l'accomplir. Dans une guerre, par exemple, le but peut être explicite ou non.

Pour toute entreprise en revanche, le but est toujours le même : prospérer. La mission devient alors l'ensemble des biens et services qu'elle souhaite proposer et c'est sur les qualités de ceux-ci qu'elle sera le plus souvent jugée. Pour d'autres types d'entités, c'est plus difficile à généraliser voire à identifier. 

En cas de conflit, il peut être confortable de présenter la solution finale comme étant celle recherchée depuis le départ. C'est habile mais c'est du travail de communiquant, pas de stratège.

Tout décideur doit agir dans le sens du but de l'organisation et transmettre l'état d'esprit dans lequel il doit être recherché (voir communication).

La mission est l'objet de la stratégie.

2/ Organisation

L'organisation est l'architecture de l'ensemble des moyens humains et matériels qui concourent à accomplir la mission.

Ainsi, c'est la stratégie qui fait le lien entre l'organisation et sa mission.

De son côté, la mission contribue également à maintenir l'organisation : c'est le modèle économique. Dans une entreprise, c'est le plus souvent le client qui, d'une manière ou d'une autre, va contribuer à faire vivre l'organisation, mais pas toujours (publicité par exemple). Pour d'autres structures, les associations ou les organisations publiques, le financement se fait sous la forme de subventions, taxes, cotisations. Evidemment, ces modes de financement peuvent se cumuler.

Quand il existe un découplage entre l'organisation et la mission, c'est une crise. C'est même la définition que j'en donne : la dégradation/rupture du lien entre l'organisation et la mission. Parfois c'est l'organisation qui est touchée ; elle n'est plus en mesure de remplir la mission. Parfois c'est la mission qui est touchée ; elle disparaît ou est contrainte de sorte que le modèle économique n'est plus viable. Tous scénarios peuvent être envisagés (trop long à développer ici).

Il existe des organisations sans but et leur existence est donc menacée. En France par exemple, les ministères de l'Education nationale ou du travail sont des institutions sans but affirmé (autojustifié ?). Elles fonctionnent. Alors que les ministères de l'intérieur ou des armées en ont un (voir les différents sites internet).

Sans but, une organisation n'est qu'un agrégat de moyens dont tous deviennent trop chers, trop nombreux et inefficaces (comment évaluer des moyens sans un but, atteint ou raté ?) (voir mission).

C'est ici aussi que se trouve toute la dimension culturelle de l'organisation et plus généralement la science des organisations.

L'organisation est le moyen de la stratégie.

3/ Décision

C'est ici que le décideur se trouve, mais pas que lui. Une organisation, selon sa taille, va quotidiennement prendre des dizaines, des centaines, des milliers de décisions petites ou grandes.

La préparation de la décision est une étape cruciale du processus. La tentation est souvent grande de vouloir tout décider en une fois alors que la même décision prise en plusieurs étapes peut provoquer moins d'opposition.

La prise de décision en entreprise est souvent un angle mort de l'analyse du mode de fonctionnement d'une organisation. La raison est assez simple : le fonctionnement de la direction est le plus souvent en dehors du scope de la mission du consultant. Or il y a beaucoup à gagner en temps et en argent dans ce domaine avec l'application de principes simples comme la subsidiarité ou des techniques comme la boucle de Boyd.

La nouveauté (qui est l'autre nom de l'oubli…) est que des "petites décisions" peuvent avoir des effets sans commune mesure. L'action isolée d'un membre d'un organisation peut la mettre en péril toute entière (effet Caporal-stratégique, voir communication).

La décision est l'expression de la stratégie

4/ Environnement

C'est tout ce qui entoure, et tous ceux qui entourent, l'organisation. Pour les personnes ou institutions parties prenantes, on va trouver les clients et fournisseurs, les actionnaires, les riverains, les institutions politiques de tout niveau (local => international), les corps intermédiaires, les associations, les lobbies, les médias mais aussi les corps qui vont se constituer spontanément via les réseaux sociaux. Parmi eux, il va y avoir les alliés, les adversaires et les "neutres".

Attention aux idées reçues -de manière générale et- ici. Le concurrent n'est pas nécessairement un adversaire et le client un partenaire. La preuve ? J'en ai deux : les lois anti-trust et le code de la consommation. En stratégie, l'adversaire est celui dont on souhaite tordre la volonté (même avec douceur). Dans ce sens, le client est, le plus souvent, un adversaire.

L'environnement est aussi physique. Air, eau, sol, sous-sol mais aussi moins palpable comme l'ambiance, l'évolution des contraintes techniques, juridiques par exemple.

Bref, tout ce qui n'est pas l'organisation mais qui, d'une manière ou d'une autre peut ou va avoir un impact sur elle (voir mission).

L'environnement est le cadre ou la cible de la stratégie.

5/ Logistique

Ce levier a la particularité d'être souvent le plus négligé et celui sur lequel le plus grand optimisme est de rigueur : l'intendance suivra !

En pratique, la logistique inclut toute la partie matérielle, concrète de la stratégie. C'est elle qui supporte les incompatibilités, les changements d'échelle entre les essais et la production de masse, les couacs et plus largement tout ce que la réalité est en mesure de faire pour nous rappeler que non, décidément, on ne peut tout prévoir.

Depuis peu de temps, le recrutement, et ses limites, est venu rejoindre cette catégorie.

Très souvent, ce levier est traité une fois les principales décisions prises. C'est dommage. Une organisation mature intègre cette dimension à chacune des étapes (voir décision).

La logistique est le sang de la stratégie.

6/ Tempo

Plus que le calendrier ou la planification, c'est le rythme de l'action. Dans les situation confortable, il est choisi. Dans les situations inconfortables, il est subi. Garder ou reprendre la main sur le tempo est un art.

Chaque métier, chaque industrie, a un sens particulier de ce qui est rapide ou de ce qui est lent, de ce qui est récent ou de ce qui est ancien. Selon le cas, un an peut être rapide ou lent. Il y a un an, ancien ou récent.

Un des éléments d'une crise sera la confrontation à un rythme différent imposé par les événements, typiquement une accélération mais parfois un ralentissement.

La direction, pour la réussite d'un projet, doit toujours veiller à maintenir le tempo de l'action et à le modifier si nécessaire (voir logistique).

Le tempo est le rythme de la stratégie.

7/ Objectifs

On confond souvent le but et les objectifs, et c'est un tort.

Comme nous l'avons vu plus haut, le but est la raison d'être et d'agir de l'organisation. Il doit être découpé en objectifs qui peuvent être, selon les cas, simultanés et/ou successifs.

Un objectif doit être SMART (en anglais : specific, measurable, achievable, relevant and time-bound, en français : spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporalisé). 

Notons que, en français "atteignable" et "réaliste" semblent redondants alors que le terme "relevant" (pertinent) disparaît

Je souhaite insister sur une notion absente de ce sigle : le contrôle. C'est un élément à la fois essentiel de la définition d'un objectif : qu'il soit sous le contrôle de la personne, du service, chargé de l'accomplir. Or, on trouve souvent des objectifs de vente par exemple qui sont, en fait, sous le contrôle de quelqu'un d'autre, ici du client. 

Si le vendeur peut maîtriser les outils de vente, connaître son offre et son argumentaire, il ne peut contrôler le client : ni celui qui ne souhaite pas acheter, ni celui bien décidé à acheter avec ou sans son intervention. Et je ne parlerai pas plus avant de celui qui bénéficie, sans travail supplémentaire, d'une rente de situation liée à des clients acquis et fidèles ni de celui qui doit suer sang et eau pour défricher une zone inexplorée où tout est à faire.

Quand l'objectif est sous contrôle, cela évite aussi les conversations sans fin sur la crise ou l'impact du Covid ou la météo défavorable.

Les objectifs permettent de mesurer l'avancée de l'action (voir logistique).

La notion d'effet majeur majeur vient se glisser ici. L'effet majeur (notion militaire) sera celui (parfois ceux) des objectifs dont on peut penser qu'il aura un effet de pivot. Son raté assurera quasiment l'échec de la stratégie, son atteinte rendra la réussite de la stratégie quasiment inévitable.

Les objectifs sont les jalons de la stratégie.

8/ Communication

En stratégie d'entreprise ou de management, le secret doit être conservé au coffre et n'être utilisé que pour les grandes occasions. Tout le reste du temps, elle doit être communiquée.

Il est fréquent que ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre l'ignorent. Cela conduit le plus souvent à bloquer l'initiative des personnes volontaires pour la promouvoir car il ne savent pas dans quelle direction orienter leurs efforts. Or s'il y a bien une personne qui doit connaître la stratégie, son état d'esprit, ses objectifs, c'est celle chargée de la mettre en œuvre.

Plus généralement, la communication fait pleinement partie de l'action (voir logistique).

La communication partage la stratégie.

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Voici brossés à grands traits les huit leviers qui permettent de s'assurer qu'une stratégie est, reste sur les rails de la réussite. Vous aurez remarqué qu'ils s'entrecroisent ; chacun contribue pleinement à la réussite de l'entreprise. Il est plus utile de n'en délaisser aucun que d'en avoir un seul excellent.


Que la stratégie soit belle est un fait,
mais n'oubliez pas de regarder le résultat.

Winston Churchill


Thierry Cammarata

ⵣ arbitrium14

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