Leadership (1/6) : l'émergence

Ce mois-ci, lancement d'un projet trop longtemps retardé : une série d'articles consacrés à la question du leadership. Le nombre n'est pas encore fixé, d'où le "x" dans le titre (edit : il y en a 6).

L'un des objectifs de ce travail est d'échapper à la fois au prêt-à-penser, aux recettes d'une part et d'autre part au fourre-tout de toutes les qualités de la Terre que le leader est censé avoir et incarner.

Mon ambition dans cette introduction est de poser les bases d'une définition du leadership comme nécessaire et humain, de ses sources, de ses lois, de la façon dont pensent celles et ceux qui ne sauraient pas se comporter autrement et ce que cela peut nous apprendre.

Le leadership est une qualité personnelle qui, mise en situation et ciselée par le travail, devient une compétence générique. De ce point de vue, c'est une excellente nouvelle. Si cela se travaille, on peut donc progresser. Le leadership est accessible à chacun mais tous ne le souhaitent pas.


Comme définition du leadership, on peut trouver un peu de tout entre l'influence d'un individu sur un groupe, la capacité à mobiliser les ressources des collaborateurs pour atteindre les objectifs fixés ou encore un charisme naturel.

Ces éléments de définition vous rendent le leadership désirable ?

Mon défi ? Faire preuve de leadership en parlant de leadership.

Comment ? Redéfinissons le leadership en partant d'une feuille blanche et ouvrons les horizons en agrégeant des éléments fondamentaux. Pour commencer, faisons un peu de physique élémentaire, la base de la base. Evidemment, il y aura aussi un peu de John BOYD dedans.

Je vais avoir besoin de toute votre attention mais rien n'est inaccessible. 

Installons les bases théoriques de l'émergence nécessaire du leadership.

Je ferai ici la distinction entre le leadership et la direction de l'entreprise ou de la communauté considérée. Il est heureux que les deux se superposent mais nous savons que ce n'est pas toujours le cas… et confondre les deux ne permet pas de penser la réalité de certaines organisations.

Pour commencer, je vous propose de poser une loi fondamentale qui va soutenir tout le reste de la réflexion :

Dans notre univers, tout est mobile. Il n'y a aucun repère fixe.

Cette phrase, cette loi zéro, est la conséquence directe de cette citation portée par Blaise Pascal à propos de notre univers qu'il présente ainsi :

C'est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part.

Ainsi, il n'y aucun repère fixe auquel se fier. La Terre se déplace, le Soleil se déplace, le système solaire se déplace, notre galaxie se déplace et l'espace lui-même n'est pas fixe. Nous savons qu'il s'étend mais peut-être aussi -qui sait ?- se déplace-t-il. Dans l'infiniment petit, rien de fixe non plus.

Pour nous, humain, rien n'est immuable, permanent ou définitif selon l'échelle de temps retenue. C'est la nature rocheuse de nos continents et de nos montagnes qui nous donne l'illusion de la fixité, et pourtant…

Déduisons de cette règle zéro, que la seule mesure pertinente dans un environnement où rien n'est fixe est la distance et son évolution dans le temps, la vitesse. C'est la distance relative entre les objets qui permet de se situer et ce d'autant mieux qu'il y en aura beaucoup.

Si vous imaginez une planète-océan sur laquelle il n'y a que des îles flottantes, le seul moyen de vous situer de façon pertinente sera de connaître votre distance relative à chacune de ces îles et comment elle évolue. Certains m'objecteront qu'un GPS local aiderait grandement. C'est vrai, j'y reviendrait une prochaine fois (le théorème d'incomplétude de Gödel).

Pour l'instant, restons sur l'idée que la seule mesure pertinente dans un environnement où rien n'est fixe est la distance et son évolution (vitesse relative), qui mesure les écarts dans l'espace et le temps (règle 1).

L'entropie ne peut qu'augmenter

La question du temps est immense et passionnante. Nous aurons aussi l'occasion de la creuser mais, pour aujourd'hui, je vais me concentrer sur un seul aspect, son sens : du futur vers le passé en passant par le présent.

Alors que les équations de la physique sont réversibles (on peut décrire aussi bien la trajectoire d'un ballon de football vers son point d'arrivée que retrouver son point de départ), il nous est manifeste que le temps à un sens et qu'il est, le plus souvent, irréversible.

Si je lâche un verre de vin, il va tomber sur le sol, se briser et le vin va se répandre. Je vais sans doute pester -comment peut-on être si maladroit ?- et me dire que ce serait cool si le verre pouvait se reconstituer seul.

C'est ici qu'intervient un notion essentielle : l'entropie. Cette entropie qui, selon les lois physiques, ne peut qu'augmenter globalement (2nde loi de la thermodynamique). Cette notion est complexe mais, en résumé, elle décrit un temps avec un début (Big-Bang) et une fin (l'augmentation du chaos jusqu'à un grand équilibre final, froid).

L'entropie d'un système dépend du nombre d'états futurs possibles de ce système. Si je reprends l'exemple du verre de vin brisé, il existe bien plus de recombinaisons possibles des morceaux cassés (entropie forte) alors qu'il n'y en a qu'une dans laquelle le verre retrouve son état initial, intact (entropie faible).

Pour un tas de sable, il existe également un nombre proprement incalculable de façons différentes dont les grains de sables peuvent s'agencer et se réarranger pour (re)faire un tas (forte entropie). Mais si je fais un château avec le même sable, en utilisant de l'énergie, il va exister bien moins de recombinaisons possibles des grains de sables pour en garder la forme et la structure (faible entropie).

Ce phénomène étant généralisé, quand vous faîtes un château de sable, celui-ci ne gardera sa forme que quelques heures (en fait, la dégradation commencera tout de suite) et si vous revenez les jours suivants, vous verrez qu'il s'est dégradé et ne restera qu'un petit tas de sable informe.

Ce phénomène d'entropie provoque la ruine des bâtiments, la saleté des locaux, le vieillissement des matériaux, le pourrissement des aliments, l'usure des vêtements, la dégradation de la qualité des produits, etc.

L'entropie peut être enrayée localement et temporairement. Il faut alors de l'énergie, du travail : l'entretien, la réparation, le ménage, la réparation d'un verre, etc. Ainsi, pour poursuivre cet exemple, un verre brisé devra être refondu pour être recréé.

Il a été démontré que l'entropie ne peut donc qu'augmenter globalement. Si un verre de vin en train de se briser peut trouver son état initial ou un château de sable peut apparaître spontanément dans un désert ou sur une plage, cela n'a que très très très peu de chances d'advenir en pratique. 

C'est possible, mais hautement improbable.

Il n'existe donc, en réalité, que des débris de verre, des dunes ou des plages.

Or, une autre chose se définit notamment comme étant une réduction locale, dans l'espace et le temps, d'entropie : la vie. Et à l'heure où l'entreprise est parfois décrite comme un être vivant, poussons l'idée.

Vye

Appelée LYFE en anglais (prononcez "Loïf", vye en français), cette notion est un essai de définition de ce que pourrait être la vie en général, au-delà des définitions restrictives de la vie sur Terre.

Elle se fonde notamment sur la notion d'entropie vue plus haut et définie quatre piliers qui sont (je cite wikipédia) :

- La dissipation (capacité à exploiter et à convertir des sources d'énergie) ;

- L'autocatalyse (capacité à croître ou à se développer de manière exponentielle) ;

- L'homéostasie (capacité à limiter les changements internes lorsque les choses changent à l'extérieur) ;

- L'apprentissage (capacité à enregistrer, traiter et réaliser des actions basées sur des informations).

Si on garde en tête que l'entreprise est un organisme vivant, dont le but est de survivre/prospérer, le leadership devient la qualité de celles ou ceux qui empêchent sa désagrégation (entropie) en créant et garantissant sa cohérence et sa cohésion autour de ces quatre piliers. Plus largement, les qualités humaines sont notre outil d'ajustement des distances : la créativité réduit la distance entre l'imagination et la réalité, l'adaptation réduit la distance entre notre activité et notre environnement, l'assertivité ajuste la distance entre sa responsabilité et celle des autres, le courage réduit la distance entre la peur et l'action.

Ainsi, le leadership tend à maîtriser les distances entre soi-même, les autres (cohésion), le projet et sa réalisation (cohérence).

La méthode Cohé...

Pour une communauté, l'idée de l'importance de sa cohérence et de sa cohésion est issue des travaux de John BOYD (que nous retrouverons régulièrement).

Dans un monde constamment mouvant (règle zéro), la seule information pertinente est de savoir de quoi on est loin ou près et comment cela évolue (distance, vitesse, règle un). Le temps se définit notamment par le fait qu'un mouvement général conduit vers plus de désordre ou d'éloignement, l'entropie.

Pour l'entreprise, le travail de la direction consiste donc en la réduction de son entropie, la réduction des écarts entre notamment la situation actuelle (mission) et celle attendue (vision). 

Le leadership émergerait donc de ces nécessités qui nous dépassent. Cette notion sera largement reprise est détaillée dans de prochains billets dans lesquels le leadership sera approfondi pour en faire un contenu exploitable.


Le leadership est l'art de favoriser la cohérence et la cohésion d'une communauté humaine. Il réduit son entropie en assurant notamment l'accès et le traitement des ressources pour son développement, sa régulation et sa capacité à apprendre.


Thierry Cammarata

ⵣ arbitrium14

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Image par Exau Paluku de Pixabay 

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