Leadership (3/6) : efficace et digne

Ce mois-ci, nous continuons à explorer ce que Jacques Chirac a pu décrire dans une formule devenue célèbre, à juste titre à mon sens : un chef, c'est fait pour cheffer !

Dans la première saison de la série The Crown, série TV consacrée à la famille royale d'Angleterre sous le règne de d'Elisabeth II, une scène m'a particulièrement marqué. On y voit la jeune Elisabeth prenant des cours particulier avec le directeur de l'université de Eton. Et ce dernier lui dit notamment ceci :

Il y a deux éléments dans la Constitution :" écrivait Walter Bagehot en 1867. L'efficace et le digne. Quel est le monarque ? Votre Altesse Royale ?

- Le digne?

Très bien. L'efficace a le pouvoir d'élaborer et d'exécuter la politique et est responsable devant l'électorat. Ce qui touche tout le monde doit être approuvé par tous.

Le digne donne sens et légitimité à l'efficace et n'est responsable que devant ?

- Dieu.

Précisément. Deux institutions, la Couronne et le gouvernement, le digne et l'efficace, ne fonctionnent que lorsqu'elles se soutiennent mutuellement. Quand ils se font confiance.

En effet, Lincoln Allison rapporte que Walter Bagehot, dans The English Constitution, publié en 1867, affirme qu'une constitution avait besoin de deux parties, l'une pour enthousiasmer et préserver le respect de la population et l'autre pour employer cet hommage dans le travail du gouvernement.

Il a qualifié le premier de digne et le second d'efficace. Le monarque était le premier exemple de la dignité dans ce sens et le cabinet (gouvernement) de l'efficacité.

Il ajoute qu'ainsi, la reine Victoria, bien que dépourvue de pouvoir exécutif, avait un rôle constitutionnel important. La distinction a survécu et a souvent été citée au vingtième siècle dans le développement des théories systémiques de la politique (dans lesquelles les parties d'un système sont considérées comme fonctionnelles par rapport à l'ensemble) et dans les débats normatifs sur les mérites d'une présidence exécutive vis‐à‐vis de ceux de la monarchie et d'autres formes de chef d'État « symbolique ».

Le digne et l'efficace quand on est seul

La dignité, selon le Larousse, est une retenue, une gravité inspirant le respect mais aussi le respect que mérite quelqu'un ou quelque chose par son état, sa situation ou ses actions.

L'efficacité est le caractère d'une personne, d'un organisme, qui produit le maximum de résultats avec le minimum d'efforts, de moyens.

Tels qu'ils peuvent être compris ensemble dans notre contexte, la première invite à assumer une hauteur, une retenue, une distance dans sa fonction alors que l'autre invite plutôt à une action déterminée et jugée sur ses résultats.

Ces deux aspects peuvent sembler contradictoires et il le seront si l'on tente une sorte de juste milieu en équilibre instable sur un mi-chemin cahoteux.

Assumer la dualité

Il va s'agir pour le dirigeant seul de savoir sur lequel de ces deux boutons appuyer en cohérence avec ses valeurs affichées d'une part et avec les nécessités de la situation d'autre part.

Attention, tout autre chose est de jouer le contre-pied en se drapant de dignité alors que l'on est inefficace ou en se cachant derrière l'efficacité d'une démarche indigne.

J'ajoute que nous avons certainement tous rencontré des personnes ayant définitivement choisi entre les deux : des dignes inefficaces (voire méprisant) aux exécuteurs des basses œuvres.

Ceux qui se montrent à la fois indignes et inefficaces échappent naturellement à l'analyse.

Je ne vais pas plus loin dans cette galerie de portraits tant je sais qu'à leur simple évocation, une série de noms, de visages et de situations vous sont venus à l'esprit. Vous avez donc compris mon point.

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Alors, comment être sûr ? Comment savoir où l'on se situe soi-même ?

Comme souvent, la réponse est dans Kaamelott avec cette tirade qui sonne comme une réponse au dialogue de The Crown, vu plus haut, lorsqu'un César vieillissant (Pierre Mondy) s'adresse au jeune Arthur (Alexandre Astier), bien loin de devenir roi de Bretagne, en ces termes :

Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes : des bons, des mauvais. Des pleines cagettes, il y en a. Mais une fois de temps en temps, il en sort un exceptionnel. Un héros, une légende…

Des chefs comme ça, il n’y en a presque jamais. Mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun, tu sais ce que c’est leur pouvoir secret ? 

Ils ne se battent que pour la dignité des faibles.

Kaamelott - Saison 6 - par Alexandre Astier


Je vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année.

Thierry Cammarata

ⵣ arbitrium14

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 Image par Lou Blazquez de Pixabay

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