La loi des lois - La marge doit rester/redevenir une marge !

Elle sert à annoter un texte, écrire son nom et sa classe, parfois la date du jour. Mais ce n'est pas la raison de sa création.

Fidèle à la démarche de ce blog de remonter le plus loin possible dans ce qui est fondamental en leadership et management, je suis parti en quête de la loi des lois en management.

J'ai été interrogé récemment sur la loi de Pareto. A l'issue, j'ai décidé de me constituer un bréviaire avec quelques unes de ces lois empiriques à la fois drôles et rarement fausses qui ont toujours un certain succès. 

Il en existe beaucoup qui souvent portent le nom de leur inventeur/découvreur (des hommes). Ainsi, j'ai (re)découvert Pareto donc, Douglas, Murphy ou d'autres encore.

Et je me suis posé une question : Existe-t-il un lien en toute ces lois, une sorte de loi des lois, pour les gouverner toutes ?

Le début a été chaotique mais cela s'est peu-à-peu structuré…

Et puis cela a été comme un flash ! Il a fallu vérifier mais il semble bien que la réponse soit : oui.

La Loi des lois

Fruit de cette intuition, la Loi des lois en termes de management est :

La marge doit rester/redevenir une marge.

Alors que le management pousse à concentrer le travail au maximum en supprimant le gras, le trop ou le confort jusqu'à la perte de sens et que le travail lui-même à tendance à occuper tout l'espace et le temps qu'on lui donne jusqu'à l'inefficacité, il existe un lieu où la coexistence et la paix entre les deux tendances sont possibles : la marge.

La marge serait donc à la fois marginale et essentielle. On ne doit normalement jamais en avoir besoin mais il faut qu'elle existe.

Pour illustrer mon propos, j'ai sélectionné 9 lois empiriques et usuelles en management pour voir, avec vous, dans quelle mesure cette loi des lois résume bien le propos de chacune.

Loi de Douglas :

Selon cette loi, plus on a de place (dans son bureau), plus on a tendance à l'occuper.

Ici, la place dans le bureau (armoire, coffre de voiture), devrait autoriser une marge pour absorber les situations exceptionnelles. En pratique, cette marge est vite mangée par la routine.

La marge doit rester/redevenir une marge.

Loi de Carlson :

Selon cette loi, un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie que lorsqu’il est réalisé en plusieurs fois.

La faculté de dérangement, se rendre disponible quand on ne l'est pas, doit rester marginale autour de la tâche principale.

La marge doit rester/redevenir une marge.

Loi de Murphy :

Selon cette loi, tout ce qui peut arriver, arrivera.

La plupart des crises sont en fait l'aboutissement d'un processus, d'une dérive. Cette loi nous dit notamment que c'est la marge à laquelle on a renoncé qui va devenir cruciale. 

La marge doit rester/redevenir une marge.

Principe de Peter :

Selon ce principe, dans une structure hiérarchisée, tout employé a tendance à s'élever jusqu'à son niveau d'incompétence.

Avant la promotion, il faudrait donc s'assurer que le salarié, une fois promu, sera en mesure de monter de niveau et aura encore une marge de progression.

La marge doit rester/redevenir une marge.

Loi de Parkinson :

Rejoignant celle de Douglas pour l'espace, cette loi nous dit que la durée d'un travail à tendance à s’étaler de façon à occuper le temps disponible pour son achèvement.

En clair, la marge de temps dont on dispose pour absorber un surcroît de travail où d'autres tâches va disparaître peu-à-peu.

La marge doit rester/redevenir une marge.

Principe de Pareto :

Selon ce principe, 80% des effets sont le produit de 20% des causes (en réalité, les chiffres sont plus proches de 72 et 28).

La contrepartie est que 80 % des causes ne produisent que 20 % des effets. Ici encore il y a une marge à dégager (temps, argent, moyens) en optimisant ses efforts.

Les lois précédentes invitent toutefois à la prudence dans cette démarche car, si on applique à nouveau la loi sur les 20 % de tâches restantes, on devrait retomber sur les mêmes scores et qu'à la fin, le tout tend vers zéro.

La marge doit rester/redevenir une marge.

Loi de Illich :

D'après cette loi, au-delà d’un certain seuil, l’efficacité humaine décroît, voire devient négative.

Ici, on parle fatigue notamment. La marge de la capacité de travail doit permettre d'absorber une quantité de travail exceptionnelle et ne pas être prise pour le travail de routine.

La marge doit rester/redevenir une marge.

Loi de Hofstadter :

Selon lui, les choses prennent plus de temps que prévu, même en tenant compte de la Loi de Hofstadter.

La matière étant plus lente que l'esprit, il est plus toujours plus rapide d'avoir une idée que de la réaliser. 

Tout planning sérieux doit donc intégrer au mieux cette tension irréductible entre les imprévus, générateur de délais et la nécessité de fixer des dates. Il va donc falloir se laisser des marges. Le risque est de tomber dans la loi de Parkinson (voir plus haut).

La marge doit rester/redevenir une marge.

Loi de Laborit :

Last, but not least, cette loi nous dit que le comportement humain nous incite à faire en premier ce qui nous fait plaisir. 

Ainsi, au travail nous avons tendance à rechercher la satisfaction immédiate et à fuir le stress. Cela nous pousse généralement à repousser les actions stressantes au profit d'autres plus gratifiantes et donc à manger le temps dont on dispose pour les faire, faisant disparaître les marges pour le reste.

La marge doit rester/redevenir une marge.

En conclusion

Le test semble concluant et positif. La Loi des lois fonctionne.

Or l'une des impasses actuelles du management est de faire la chasse à ses marges oubliant que ce sont elles qui assurent la fluidité et l'efficacité du travail. Même dans l'industrie, il y a des marges. Si les machines en ont besoin, comment l'humain pourrait-il s'en passer ?

Pour le management, les marges les plus précieuses et les plus en danger aujourd'hui sont les marges de manœuvre et d'appréciation. Elles sont victimes d'une autre marge qui se nourrit de ces deux-là : la marge financière.

La marge doit rester/redevenir une marge,
à la fois marginale et essentielle.


On se surprend à marcher sur le bord du trottoir comme on faisait enfant,
comme si c'était la marge qui comptait, le bord des choses.

Philippe DELERM / La Première Gorgée de bière


Thierry Cammarata

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