"À l'image du chef !"

Ce mois-ci, je souhaite profiter de ce jour de Fête nationale pour vous partager une méthode à la fois simple et efficace pour se faire une idée de ce qui se passe au sein d'une équipe, d'un service ou même d'une entreprise.

Cette méthode repose sur deux axes, deux phrases, issues de mon expérience militaire, qui me permettent de brosser rapidement et à grands traits la situation du management et de l'ambiance de travail dans une équipe.


C'est deux phrases sont :

- "A l'image du chef."

- "Tout est normal."

Image parJollymama de Pixabay

Entrons dans le détail.

A l'image du chef


Le premier axe de la méthode consiste à observer l'image, le reflet, en creux de l'influence du manager sur son équipe au regard de la façon dont l'équipe agit, communique, se coordonne.

En d'autres termes, les dysfonctionnements de l'équipe s'étalent dans les failles du management. 

Mon présupposé, à ce stade, est qu'une équipe connait bien mieux son manager que l'inverse. Celui-ci ayant un temps d'observation bien moindre.

Imaginons, une réunion d'une heure du manager avec son équipe, de 6 personnes par exemple. Le manager, va au mieux pouvoir observer chaque membre de son équipe pendant 10 minutes (en pratique bien moins) alors que l'équipe va cumuler près de 6 heures de données qui seront généralement mises en commun et débriefées.

Même si ce processus est très imparfait, il sera ajusté à chaque occasion, l'écart de quantité de données collectées est tel que le constat est implacable : l'équipe connaît au final bien mieux son manager que l'inverse.

Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler quand nous étions en classe avec nos professeurs. Élèves, ils ne nous fallait que quelques semaines pour savoir tout ce qui nous été nécessaires de nos profs. L'inverse était bien plus long.

Si je reprends l'exemple du service évoqué dans mon billet précédent sur l'effet "filtre à gasoil", cet axe d'analyse a permis de mettre en évidence l'absence de management de cette équipe qui était en auto-gestion quasi totale, au-delà des rituels, qu'étaient devenus réunions de services hebdomadaires ou communications.

Comment cela a été découvert ? Lors des entretiens avec les salariées sur une journée complète, aucune n'a parlé de la chef. Ni en bien, ni en mal. Rien. J'en ai déduit l'hypothèse qu'elle "était absente, inexistante". La suite du travail a permis de confirmer ce point.

En pratique, l'équipe avait digéré les insuffisances de la manager et collectivement tout était fait pour qu'elle ne soit pas un problème.

Les lecteurs les plus attentifs de ce blog me diraient qu'il semble incohérent de dire que le service est à l'image de son chef alors que d'un côté le management est insuffisant et de l'autre l'équipe est quasi autonome.

Cette incohérence n'est qu'apparente. Le chef n'était pas le chef.

Le service fonctionnait à l'image d'une salariée ayant une forte ancienneté et expérience et qui, de fait, faisait tourner l'équipe avec discrétion et souplesse. Et c'est cette image-ci qui était reflétée. C'était elle qui exerçait, en pratique, le leadership. Cette approche permet donc aussi d'approcher le portrait de celui ou celle qui est le vrai chef d'une équipe.

Tout est normal


Ce deuxième axe d'analyse est une manière de guider efficacement le questionnement face à une situation inédite ou apparemment inextricable. Ces deux types de situations ont en commun que les réponses usuelles ne fonctionnent pas, ne fonctionnent plus.

"Tout est normal" vient à l'encontre de l'idée généralement admise en entreprise que, quand tout ce passe bien, c'est normal et que quand la situation n'est pas bonne, elle est anormale. A mon sens, c'est une erreur.


Penser cette dernière situation comme anormale revient à faire référence à une norme managériale qui serait bien appliquée quand tout va bien (comment le savez-vous ?) et si les choses ne vont pas dans le sens voulu, la situation est dite anormale. L'erreur suivante est généralement la recherche ou l'invention, avec succès, d'un responsable à écarter.

Par exemple, comme j'ai pu le rencontrer parfois, le manager défaillant mis en difficulté présente à la direction celui ou celle qui, en fait, dirige le service comme la source des problèmes rencontrés. La direction, voulant bien faire et à la recherche d'un ou d'une responsable ne peut résister à la tentation d'écarter le ou la salarié(e) ainsi mis(e) en avant.

Le résultat ? Le service part à la dérive malgré un geste fort. L'équipe est démoralisée par l'injustice commise. Le manager est toujours là mais la fonction est en réalité vacante et la direction est décrédibilisée. J'ai connu une société dans laquelle le personnel était encore marqué par un épisode similaire près de 10 ans après !

Ces deux réactions, une situation est anormale et il y a un responsable identifiable, sont le plus sûr moyen de conservé un mode managérial inadapté et de ne pas avancer sur l'identification des causes profondes.

Considérer la situation insatisfaisante comme normale change le paradigme.

En effet, cela permet de se libérer l'esprit de ce que l'on pense, au profit de ce qui se passe et de la recherche des règles, des normes qui expliquent la situation.

Si je reprends mon exemple. Le fait de retenir dès le départ l'organigramme comme étant la vérité du pouvoir dans le service n'aurait jamais permis de détecter notamment qu'il en était en fait une représentation très imparfaite.

En quoi la situation est-elle normale ? Pour quelles raisons ? 

Ce sont quelques unes des questions à se poser même si la situation, le comportement nous semblent aberrants, contraire à nos valeurs ou nos principes ou, semble-t-il, à nos actions.

Ces approches, à l'image du chef, tout est normal, ne donne pas directement de réponse aux problèmes posés. Elles permettent en revanche d'éclairer d'un œil perçant les sujets et d'être sûr d'agir sur le bon levier, sans quoi rien d'efficace n'est possible.

Il y a deux sortes de chefs d'orchestre : ceux qui ont la partition dans la tête et ceux qui ont la tête dans la partition.
Arturo Toscanini
Artiste, Chef d'orchestre (1867 - 1957)


Thierry Cammarata

arbitrium14
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