Gestion de crise (5) erreurs à ne pas commettre !

Dans un article récent, le général en retraite CASTRES a évoqué la situation des forces françaises en Afrique.

Ce faisant, il a évoqué cinq erreurs commises dans la gestion de ces crises dont les enseignements peuvent être aisément généralisés.

Ici, le terme de crise sera pris dans un sens large qui recouvre autant les notions de crise et de conflit. Rappelons que la crise est une situation de rupture dans le continuum de l'action habituelle et que le conflit est une notion similaire mais guidée par une volonté adverse.


Dans ces situations, cinq pièges ou erreurs nous guettent et sont de nature à nous faire perdre de vue la possibilité d'une solution.

Il y en a certainement d'autres, mais gardons-nous déjà de celles-ci.

1/ Croyances

Les crises doivent être vues comme des « organismes vivants » ayant chacun un « biotope différent ».

Vouloir appliquer des solutions clé en main, des croyances non questionnées, consiste finalement à utiliser ces raisonnements hérités du passé dans les situations actuelles. Un tel raccourci consiste finalement à avoir plus confiance dans la solution que l'on propose que dans les informations que la réalité propose.

J'ajoute que cette tendance est encouragée par un biais de sélection de nos élites. La façon occidentale de privilégier les personnalités qui s'affirment, décident vite et qui se passe aisément de rentrer au cœur de l'analyse ou des sensibilités contribue à amplifier le phénomène.

L'erreur dans ce cas, bien que la solution se révèle peu efficace, est d'insister en augmentant l'intensité par exemple. Bref, on persiste dans l'erreur, on actionne le mauvais levier mais plus.

En matière de gestion de crise, vouloir avoir raison sur les faits est donc le premier type d'erreur que l'on peut commettre.

2/ Cloisonnement

Considérer les différentes crises comme des phénomènes nécessairement cloisonnés est une erreur.

Il s'agit des situations dans lesquelles plusieurs crises doivent être gérées en même temps.

La tentation est grande de les considérer comme isolées et d'y appliquer des réponses individualisées.

Or, ces crises sont-elles effectivement séparées ? N'y a-t-il aucun de liens entre elles ?

Mon propos n'est pas de dire qu'il y a nécessairement des liens à faire mais qu'il faut se poser la question quitte à y réponse par la négative.

En entreprise, la difficulté dans un service est limité à ce service ou est-elle la conséquence, en partie, de dysfonctionnement dans d'autres (voir l'effet filtre à gasoil) ? Les problèmes dans ces deux services, pourtant distants, n'ont-ils pas une cause commune ?

Ici aussi, le biais de recrutement évoqué plus haut joue à plein. Sont retenus prioritairement des personnes qui ont tendance à se focaliser sur une situation et à éluder les autres afin de ne pas être envahi par la complexité et de conserver ainsi une capacité à décider vite.

En matière de gestion de crise, vouloir raisonner petit, dans le cadre de la crise telle qu'elle se présente est donc le deuxième type d'erreur que l'on peut commettre.

3/ Indicateurs quantitatifs

Considérer une crise uniquement sous un seul prisme, avec les yeux rivés sur les seuls « indicateurs opérationnels » ou quantitatifs.

C'est une erreur fréquente. Juger son action sur le combien plutôt que sur le résultat, confondre les moyens avec le but.

Ici, la volonté de la direction peut se traduire dans les données budgétaires (nous avons consacrés xxx € à la réduction de tel problème). Le problème a-t-il disparu ? Muté ? A-t-il été réduit ?

Ce qui manque le plus ici est la définition d'objectifs au-delà des moyens engagés.

La quantité des moyens affectés à un sujet sert souvent de paravent à une question qui fait très mal : est-ce efficace ?

Là encore, le biais de recrutement évoqué plus haut sélectionne des personnalités qui vont privilégier la vitesse de décision et pour cela réduire la quantité de paramètres pris en compte. Ajouter au point précédent, cela crée un effet procyclique.

En matière de gestion de crise, vouloir raisonner en terme de moyens seulement et pas en terme d'objectif est donc le troisième type d'erreur que l'on peut commettre.

4/ Temporalités

Un proverbe targui dit que 'L'homme a inventé la montre, mais Dieu a inventé le temps."

Il serait sans doute trop long se développer tout ce que cette phrase peut signifier. Je me concentre aujourd'hui sur le fait que le temps, tel que nous le vivons au quotidien, avec nos horaires et nos rendez-vous, est une convention qui permet la vie en société et qui s'adapte à ses évolutions. Le temps, lui, y échappe.

Or, « l’inconcordance des temps » est la méconnaissance du fait que le temps de la résolution des crises diffère du temps médiatique, du temps militaire, du temps politique, du temps diplomatique et du temps du développement ou du management.

La difficulté ici est due à la nécessité de faire entrer le temps de la crise, qui lui est propre, dans les calendriers et les contraintes temporelles qui sont les nôtres sans que les seconds ne conduisent à ruiner les chances de résolution de la première.

Ici encore, le biais de recrutement joue. En privilégiant des profils de managers ou de dirigeants qui s'imposent dans l'action, sont naturellement négligées toutes les stratégies qui reposent sur le non-agir, la patience, qui s'adapte au tempo et ne cherche pas à l'imposer.

En matière de gestion de crise, vouloir agir dans une temporalité que n'est pas celle de la crise telle qu'elle se présente est donc le quatrième type d'erreur que l'on peut commettre.

5/ Émotions

Ne pas savoir garder la « tête froide » et donc de réagir sous le coup de l’émotion, voire sous la pression des médias et de l’opinion publique, écorne sa propre image de soi, celle de quelqu'un de sûr de son jugement et de ses actions.

Re…, le profil du habituel du dirigeant considère les émotions comme un frein, un empêchement de décider de façon froide et logique. Cela crée des œillères qui masque toute cette dimension et rend le dérapage d'autant plus brusque.

Cette méconnaissance de soi conduit généralement à nous rendre encore plus en clin à commettre les erreurs précédemment évoquées.

Ainsi, la perte de sang froid va nous conduire, tour-à-tour, à privilégier nos croyances fortes à la réflexion, à nous focaliser sur ce qui est directement visible sans chercher plus loin, à nous contenter de définir des moyens d'action sans objectif précis (agir pour agir) et à négliger les différents niveaux de temporalités.

De façon plus générale, le manque de maturité émotionnelle ne permet pas de comprendre une situation dans son ensemble.

*    *    *

Pour les retenir facilement, je vous propose le sigle suivant :

C-CITE :


Croyances (solutions "clés en main")
-
Cloisonnement (des crises)
Indicateurs (uniquement quantitatifs)
Temporalité (inconcordance)
Émotion (défaut de gestion de...)


"Dire qu'une personne est morte d'un arrêt cardiaque ou respiratoire, ou d'une syncope, c'est comme dire que la cécité d'une personne est due au fait qu'elle ne peut pas voir."

Jack l'éventreur : affaire classée - Patricia Cornwell


Thierry Cammarata

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