🧭 OODA-E : Quand la décision devient dialogue (+ lien livre blanc)

De la supériorité informationnelle à la compréhension partagée

J’ai longtemps cherché un modèle qui relie l’action et la compréhension, la vitesse et la lucidité, la décision et la coopération.

Et, assez paradoxalement, c’est dans un modèle militaire que je l’ai trouvé : la boucle OODA, élaborée dans les années 1960 par le colonel américain John Boyd.

Observer. Orienter. Décider. Agir.

À première vue, le modèle semble taillé pour la performance tactique : plus ta boucle est rapide que celle de ton adversaire, plus tu gagnes.

C’est une logique de supériorité, un outil de compétition.

Mais en creusant, j’y ai vu autre chose : un modèle d’apprentissage adaptatif, profondément humain.

Une boussole pour comprendre et agir dans l’incertitude — bien au-delà du champ de bataille.

⚙️ La boucle, avant tout, est vivante

On parle souvent de la “boucle OODA” comme d’un cycle linéaire. En réalité, c’est une dynamique d’interaction continue :
  • Observer : percevoir le monde et les signaux qu’il envoie ;
  • Orienter : interpréter ces signaux à travers nos cadres mentaux, nos croyances, nos valeurs ;
  • Décider : choisir une trajectoire parmi plusieurs possibles ;
  • Agir : confronter ce choix à la réalité, pour mieux ré-observer ensuite.

Chaque action modifie la situation observée. Chaque observation réinterroge nos orientations.

Autrement dit : la boucle n’est pas un outil, c’est un organisme. 

Elle apprend, elle se transforme, elle s’ajuste.

⚡ De la vitesse à la lucidité

Dans le monde de l’entreprise, la boucle OODA a souvent été interprétée à travers un seul prisme : la vitesse.
"Observer plus vite. Décider plus vite. Agir plus vite."

Mais Boyd n’a jamais fait de la rapidité un absolu. Ce qu’il cherchait, c’était l’avantage adaptatif — la capacité à se réajuster plus pertinemment que l’autre.

Il ne s’agissait pas seulement d’aller plus vite, mais de comprendre plus juste. Car la vitesse sans compréhension mène à la désorientation. Et la compréhension sans action mène à l’impuissance.

Comprendre pour agir, agir pour comprendre : 
la tension du leadership.

🧩 Le cinquième temps : Explain

Des années plus tard, un officier de l’armée française a proposé d’ajouter un cinquième temps : Explain.

Ce “E” n’a rien d’anecdotique.

Il marque l’entrée dans une ère informationnelle, où la guerre — et la stratégie — se joue aussi dans la maîtrise du récit.

Dans cette logique, “Explain” signifie communiquer pour influencer, expliquer ses choix pour affirmer sa légitimité, modeler la perception, renforcer la cohérence interne et externe.

C’est une boucle compétitive, étendue au champ cognitif et narratif.

💬 Explain, non plus pour convaincre, mais pour comprendre ensemble

Dans ma pratique du management et du leadership, j’ai choisi de prolonger ce “E” dans une autre direction : non plus Explain to win, mais Explain to align.
Autrement dit : expliquer pour relier.

Dans un cadre compétitif, expliquer vise à influencer. Dans un cadre coopératif, expliquer vise à partager la compréhension du réel.

L’un n’exclut pas l’autre.

Mais le leader doit savoir choisir sa posture :

OODA : quand la situation exige de la vitesse, de la clarté d’intention, de la décision ferme dans un environnement conflictuel ou concurrentiel.

OODA-E : quand il s’agit de construire une compréhension commune, d’aligner les perceptions, de rétablir la confiance et la coopération.

🔄 OODA-E : la boucle qui apprend ensemble

La différence n’est pas seulement dans la finalité, mais dans la nature même de la boucle.

Dans OODA-E, chaque phase devient un acte de co-construction :

  • Observer ensemble : multiplier les points de vue pour élargir le réel ;
  • Orienter ensemble : partager les cadres mentaux, les biais, les interprétations ;
  • Décider ensemble : transformer les tensions en arbitrages collectifs ;
  • Agir ensemble : expérimenter dans un climat de confiance ;
  • Expliquer ensemble : tisser le sens, comprendre ce qui a fonctionné — ou pas.


C’est la même boucle, mais vécue différemment. Moins une arme qu’un instrument d’intelligence collective.

🧭 Choisir la boucle

Je ne cherche pas à invalider la dimension compétitive de la boucle OODA — elle demeure essentielle. Mais je crois qu’un leader contemporain doit savoir choisir sa boucle, celle du conflit quand il faut trancher, et celle de la coopération quand il faut relier.

La force du modèle réside dans ce choix même.

OODA-E n’est pas un correctif : c’est une extension du champ de la décision. Elle redonne au leadership une dimension trop souvent oubliée : celle du dialogue comme forme d’action.

Souvent, on me demande quel est “mon” outil de référence en management. Je réponds toujours : OODA-E.

Parce qu’il m’oblige à rester dans la tension vivante entre agir et comprendre, gagner et apprendre, convaincre et relier.

Et parce qu’au fond, c’est peut-être ça, le vrai leadership : transformer la décision en conversation.

 

To be somebody or to do something. In life there is often a roll call. That’s when you will have to make a decision. 

To be or to do? Which way will you go?

John Boyd

(traduction libre : "Être quelqu'un ou faire quelque chose. Dans la vie, il y a souvent un appel nominatif. C'est à ce moment-là que vous devrez prendre une décision. Être ou faire ? Quelle voie prendrez-vous ?")

Pour télécharger mon livre blanc complet sur la boucle OODA-E, c'est ici.  


Thierry Cammarata


Tel : +33(0)768871589

Mail : thierry@arbitrium14.fr





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