Management et boucle de BOYD: quand on ne peut pas décider

Mon attention a récemment été attirée sur les dysfonctionnements d'une structure associative.

La personne que j'ai rencontrée me faisait part de son désarroi. Elle est membre de ladite structure et a le sentiment que les projets n'avancent pas et cela nuit gravement à sa motivation mais aussi à sa santé. Elle m'en avait parlé rapidement plusieurs fois mais nous avions l'occasion d'en discuter sérieusement.

Avec son accord, je lui pose quelques questions et elle me détaille ses observations : les pas en avant et retours, la sempiternelle mise en place de groupes de travail ou de commissions, le manque de partage des informations et la remise en cause permanente des travaux réalisés au moment de la prise de décision. Cela représente pour elle une immense quantité d'énergie perdue. Je ne lui ai pas caché que ce refrain est connu.



La fortune a fait que nous avions à disposition un grand tableau blanc et des feutres adaptés. Alors GO !

Eviter la boucle O-O

Déjà évoquée ici et ici, la boucle O-O est une des illustrations classiques de blocage de la boucle de décision itérative de BOYD (Boyd loop) ou OODA.

Rappelons rapidement que la boucle OODA repose sur 4 phases, comme autant de verbes d'action, qui sont :

- Observer : recueil des informations suffisantes, utiles et fiables pour être analysées, 

- Orienter : analyse des informations collectées au regard des éléments structurants permettant la définition de scénarios à arbitrer, 

- Décider : L'organe de décision retient un scénario et fait ainsi une hypothèse sur le futur,

- Agir : L'action est permise par la décision et va la confronter au réel. Elle sera observée afin de réitérer la boucle et de permettre les ajustements nécessaires. 

(j'ai longuement traité la boucle OODA dans ce blog à partir d'ici)

Une boucle O-O (Observer - Orienter - Observer - Orienter…) peut signifier que la fonction de décision est mise dans l'incapacité de s'accomplir. Les causes de cette incapacité peuvent être multiples, internes ou externes.

Dans l'exemple, les causes semblent être essentiellement internes. L'organe de décision collégial se sent placé devant le fait accompli d'un choix trop lourd à faire et il remet donc systématiquement en cause la façon dont la phase amont a été menée. Pour sortir du blocage, il est alors proposé de refaire la phase amont en tenant compte des remarques (boucle O-O). Chaque itération durant entre 12 et 18 mois, tout le monde a oublié la précédente et l'organe de décision "redécouvre" la situation à chaque fois (un peu comme dans le film : Un jour sans fin).

Je précise que les membres de cet organe de décision collégial en entrent et en sortent régulièrement de sorte qu'on peut les classer en 3 sous-groupes : 

- les nouveaux pour qui c'est la première fois et qui sont plein d'énergie et d'idées,

- les récents pour qui c'est la 2e ou 3e fois et gardent espoir,

- et les plus anciens qui intuitivement se disent que cela n'avancera jamais.

Il existe pourtant des moyens de progresser pour sortir de cette impasse.

Ces moyens reposent sur 3 grands principes :

- définition claire des étapes (boucle OODA) et information en amont pour éviter l'effet de surprise,

- définition claire des rôles des organes dans la réalisation de la boucle pour que le moment de la décision ne devienne pas l'occasion de refaire les phases amont,

- passer à l'action, même de façon imparfaite ou incomplète, pour avoir de la matière à observer ce qui va impliquer de préparer les scénarios dans ce sens.

Préparer la décision

Ce dernier point met en évidence la difficulté liée à la préparation de la décision elle-même : la tentation du grand saut.

Il n'est pas rare que l'on souhaite prendre une décision en une fois sans voir qu'en fait on en prend plusieurs, comme un package dans lequel la dernière décision, qui est la plus visible, cache des choix implicites. Cette situation fait augmenter l'enjeux et donc le risque de blocage lié à l'absence de retour en arrière ou d'ajustement possible. "Bruler ses vaisseaux" fait partie de la boîte à outils des managers dirigistes. Forcer le passage est souvent valorisé mais est-ce toujours adapté ?

A titre d'illustration, prenons l'exemple du choix d'une voiture. Si on propose directement de choisir le modèle final, le risque d'opposition est fort. Imposer ce choix est sans doute facile mais cela crée un précédent que l'on traînera combien de temps ? Et puis cette décision qui semble simple cache nombre de choix amont.

Alors que si on choisit d'abord le type de véhicule en fonction des besoins identifiés et du budget, puis sa motorisation en vue des législations prévisibles, on arrive sur la présentation de quelques modèles parmi lesquels le choix final pourra se faire. Ne restera qu'à choisir la couleur : n'importe laquelle du moment que c'est noir (d'à peu près H. Ford). Bref on sort du modèle du manager-sauveur et omniscient.

Un chef d'entreprise m'a récemment parlé du choix d'un logiciel professionnel dans son entreprise. Cette décision était douloureuse. Au cours de l'échange, il est apparu que ce choix du logiciel n'était pas que technique mais aussi managérial : comment souhaitons nous organiser l'entreprise ?

J'ai interrogé ce chef d'entreprise la possibilité de découpler la décision et de choisir d'abord le type d'organisation voulu puis de rechercher les logiciels dont la structure correspond le mieux à l'attente ainsi définie.

Perdre un peu de temps (en préparation) permet d'en gagner beaucoup (en réalisation).

La direction est plus importante que la vitesse.
Beaucoup vont très vite nulle part.


Thierry Cammarata

ⵣ arbitrium14

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