Boucle OODA (1/5) : Observer

Heureux de vous retrouver pour un cycle de cinq billets consacrés à la prise de décision au travers de l'analyse de la boucle de Boyd ou Boyd loop, ou encore OODA (de l'anglais : observe - orient - decide - act).

Ce volet traite du premier élément : l'observation des informations nécessaires à la prise d'une bonne décision.

Or, dans un monde incertain, l'information n'est et ne peut pas être parfaite.




Dans un modèle classique de prise de décision, dès que l'on parle stratégie, le jeu des échecs est souvent pris en exemple ou comme illustration.

Or, en reprenant les définitions nées de la théorie des jeux (un jeu, ici, est une relation à enjeu entre des personnes), il existe des jeux finis, comme les échecs, et des jeux infinis, comme la plupart des relations humaines (famille, business, relations internationales, etc). 

La théorie des jeux s'intéresse à la façon donc chacun de nous prend des décisions en anticipant la façon dont des autres vont agir. Par exemple, s'il me faut normalement 20 minutes pour aller au bureau, le matin, mais comme les horaires pour commencer le travail sont souvent les mêmes, je vais anticiper qu'il y aura beaucoup de monde et donc des bouchons sur la route et partir plus tôt.

Dans un jeu fini, comme les échecs, les joueurs sont tous connus, les règles sont fixes pendant le jeu et l’objectif est accepté et partagé par tous les joueurs. Enfin, tout le monde s’accorde pour que le vainqueur soit le joueur qui aura réussi a mettre son adversaire échec et mat.

Dans un jeu infini, c'est très différent. Il y a des joueurs connus mais aussi des joueurs inconnus, certains peuvent apparaître ou d'autres disparaître. Les règles sont évolutives, elles peuvent changer. Enfin, le but est généralement de perpétuer le jeu, de rester dans la partie.

Dans ce dernier cadre, il n’y a pas de vainqueurs ou de perdants au sens strict, mais un ratio entre ce que le jeu coûte et ce qu’il rapporte. Il n’y a que la possibilité de sortir du jeu par la perte de la volonté ou des moyens de continuer (pour une entreprise : abandon d'un projet, cession ou faillite).

Ceci a des conséquences majeures sur l'ensemble du cycle de décision et notamment sur sa première étape, la prise d'information.

En quoi le jeu d'échec est-il un exemple critiquable quant à la prise d'information utile à une bonne prise de décision ?

En effet, un joueur maîtrisant les échecs auraient un avantage certain dans la vie sur les autres par sa science, par ses coups calculés d'avance. Cette croyance est tenace.

A ce stade, je précise que deux facteurs principaux affectes la phase d'observation : la qualité des données elles-mêmes et notre façon (individuelle ou collective) de les prendre dans l'environnement.

Pour bien comprendre que les choses sont moins simples, on peut par exemple se figurer les constructeurs sur le marché automobile ou les fabricants sur celui des smartphones. Sur ces deux marchés, de nouveaux entrants révolutionnent chacun de ces secteurs.

Ainsi, dans la vie réelle, on ne dispose jamais de la qualité d'information que propose ce jeu.

Entrons dans le détail en reprenant les principales caractéristiques du jeu et, par effet de contraste, nous verrons que dans la réalité, les choses sont bien différentes.

Il nous faut, le plus souvent, pouvoir composer avec le fait que tout n'est pas visible (trop vaste, non exprimé, etc). Il est alors utile de pouvoir utiliser des méthodes indirectes et ramassées pour pouvoir en déduire ce qui se passe dans la réalité : un indicateur.

Tout n'est pas visible

Aux échecs, tout ce qu'il est utile d'observer pour pouvoir jouer est sur la table. L'échiquier et les différents pions sont visibles. Rien n'est caché.

Dans la réalité, tout n'est pas nécessairement visible ou clair. Les informations sont le plus souvent incomplètes ou trompeuses. Elles sont aussi tellement nombreuses qu'il est impossible de toutes les capter ou les traiter.

Dans une entreprise, un fort absentéisme est souvent le signe d'une mauvaise ambiance de travail. Ici, le postulat est qu'une mauvaise ambiance de travail provoque de l'absentéisme. C'est souvent vrai. Il y a deux écueils toutefois.

Le premier est que, selon l'organisation du travail, l'inverse peut tout aussi être vrai, l'absentéisme peut provoquer une mauvaise ambiance. On peut même avoir une boucle de rétroaction positive de sorte qu'il est impossible de retrouver comment cela a commencé (... absentéisme => mauvaise ambiance => absentéisme => mauvaise ambiance => absentéisme => mauvaise ambiance =>...).

Le second est de s'assurer que l'indicateur, qui est une image de la réalité qu'il décrit, reste bien pertinent avec le temps.

En tout cas, la tentation est grande de confondre l'indicateur avec la réalité qu'il décrit.

Tout n'est pas univoque

Aux échecs, tout ce qui est vu est vrai. Par sa couleur ou sa forme, chaque pièce dit ce qu'elle est. Elle ne peut avoir d'autres mouvements que ceux que la règle autorise. Ainsi, il n'y a pas à rechercher plus loin pour comprendre ce qui se passe que les coups qui ont pu être joués ou ceux qui sont possibles.

Dans la pratique, ce que nous observons autour de nous est l'objet de deux dérives de nature à nous tromper : les biais et le bruit externes (qui s'oppose aux biais et bruit internes qui sont de nature psychologiques).

Les biais déplacent les faits observés ou rapportés par rapport à l'hypothèse que l'on cherche à valider.

Illustration : l'augmentation des plaintes pénales sur un sujet peut signifier que le nombre de faits augmente mais aussi que les victimes osent plus porter plainte (sans doute les deux).

Le bruit correspond à l'écart entre tous les faits observés alors que l'hypothèse testée reste la même.

Illustration : comment analyser les décisions individuelles d'un groupe de personnes alors qu'une même personne de ce groupe prend des décisions différentes quand on lui présente deux fois la même situation à quelques mois d'intervalle ?

Evidemment, ce que nous voyons peut être trompeur au regard de choix ou d'actions d'autres personnes. Cela porte même un nom en entreprise : le marketing.

Dans le business donc, les choses sont naturellement bien différentes qu'aux échecs. Il serait bien trop long de faire le tour de toute cette évidence. Pour échapper à cette difficulté au mieux, il faut passer à la deuxième étape : orienter.

Ce sera l'objet du prochain billet, le 14 octobre.

Agir pour voir

Parfois, notamment en situation d'incertitude, c'est l'action qui sera la source de l'information. Il faut commencer à décider et agir pour pouvoir observer. On fait un test, une expérience.

Bien maîtrisée, cet approche peut permettre d'observer de nouveaux acteurs, de nouveaux comportements, de confirmer une hypothèse.

Il convient de rester prudent et discret notamment si l'on cherche à (re)gagner la confiance des personnes concernées. Trop de tests pourraient être contre-productifs.

Que retenir ?

- L'observation est une étape essentielle de la prise de décision.

- L’information est le plus souvent imparfaite.

- Être sûr d'observer la réalité de ce qui se passe doit toujours être une priorité.


L'incertitude, c'est l'impossibilité de
voir au delà de nos décisions.


Thierry Cammarata

arbitrium14
Tel : +33(0)768871589

Mail : thierry@arbitrium14.fr

LinkedIn : Thierry Cammarata - arbitrium14

Image par Steve Buissinne de Pixabay

Commentaires

  1. A condition d'être un bon Observateur objectif et neutre. Sinon bravo ça m'a parlé.
    Sophia

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  2. A condition d'être un bon Observateur objectif et neutre. Sinon bravo ça m'a parlé.
    Sophia

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