Boucle OODA (4/5) : Agir

Dernière escale !

Nous arrivons à la dernière étape de ce tour de la boucle de BOYD (ou boucle OODA). Après avoir traiter les phases Observer, Orienter puis Décider, place à l'action.





Il s'agit de tester l'hypothèse faite dans la phase de Décision.

L'action consiste à confronter son hypothèse au réel. Elle permet le retour d'expérience.

Il n'y a par définition rien à en dire, le réel à toujours raison. Si je pense ma digue étanche et que, lors de la mise en eau, celle-ci s'infiltre et passe. Ma digue n'est pas étanche./

Mais est-ce si simple ?

Il est parfois tentant de rechercher d'autres explications plus rassurantes, moins confrontantes. Cela consiste souvent à se détacher de ce réel indocile, parfois jusqu'au déni. 

Une idée reçue est que la décision étant prise, "On a terminé". La  mise en application étant considérée comme acquise.

Notre décision se trouve effectivement confrontée à l'environnement et à la situation qui ont été tour-à-tour observés, analysés, pensés, mis en hypothèses puis ont conduit à une décision.

Grâce à la planification, les moyens (humain, matériel) sont alors alloués aux différentes tâches à réaliser dans l'espace et le temps. Cette tâche reste encore théorique jusqu'à sa mise en œuvre. 

La logistique est au cœur de toute pensée stratégique.

Je serai beaucoup plus bref sur cette étape que sur les précédentes. En effet, c'est celle qui est la plus liée à chaque métiers, à chaque entreprise. Il n'en reste pas moins vrai que c'est souvent là que l'échec se profile.

La réalité est d'une telle complexité qu'elle est impossible à traiter autrement que de façon conceptualisée, en dehors d'un contexte ou d'un exemple, trop long à présenter ici.

Il est donc possible de brosser à grands traits quelques principes généraux.

L'action, test de l'hypothèse

L'action peut être conforme à la décision prise. En pratique, c'est plutôt rare.

Les moyens matériels ou humains peuvent être insuffisants ou inadéquats. Les humains peuvent aussi faire leur affaire de la mise en pratique d'une décision qu'ils n'acceptent pas toujours ou pas totalement. 

Cela crée nécessairement de la friction. Ainsi, les effets de la décision peuvent être retardés, amoindris. Il arrive que la décision soit purement et simplement ignorée (la sphère politique n'échappe pas à ce biais quand elle annonce des dispositions nouvelles qui, de fait, existent déjà, mais est-ce la seule ?).

Il arrive aussi que les opérateurs désobéissent à la décision dans le but de "sauver" l'activité de cette décision jugée "mauvaise".

Aux différents échelons, la décision principale, pour être appliquée, va nécessiter une multitude de micro-décisions pour lesquelles, chaque acteur va faire sa propre boucle OODA.

Par exemple, une enseigne de magasin de vêtements décide d'améliorer l'accueil des clients. Les vendeurs vont être formés. Il n'en reste pas moins que face à un nouveau client, chaque vendeur devra faire sa boucle OODA (Observer le client, Orienter en prenant en compte les nouvelles directives et la formation récente mais aussi sa personnalité, son expérience personnelle, et décider et agir en fonction).  

Vous l'avez compris, si les réussites doivent être célébrées, cette phase d'action met aussi en lumière ce qui manque.

Ainsi, le leader/manager avisé se posera toujours deux questions essentielles :

- Pour ce qui ne fonctionne pas, quelles en sont les causes profondes ?
- Pour ce qui fonctionne, suis-je bon ou ai-je de la chance ? (généralement un mix des deux) Et qu'est-ce qui ferait que cela ne durerait pas ?

De façon générale, le leader/manager fera en sorte que l'action fasse, et continue à faire, partie intégrante du cycle de décision. Certaines organisations n'échappent malheureusement pas à la tentation d'externaliser la réalité

Externaliser la réalité peut consister, par exemple, à créer des indicateurs incomplets ou qui ne montrerons que les réussites. Il est possible de ne suivre que les moyens engagés et pas les résultats (KPI vs OKR), ainsi les deux se confondent, sur une action de formation, seront mis en avant le nombre d'heures, de personnes formées et le budget alloué et pas ce qu'il en reste 6 mois plus tard.

Il est encore possible de faire en sorte que les personnes en contact direct avec la réalité comprennent que la part de leur(s) expérience(s) la moins en ligne avec les attentes de la direction est inaudible, et que son porteur se mettrait inutilement en danger à les exprimer ou les faire remonter.

Nous sommes aussi enclins à penser que ce qui marche fonctionne normalement et que ce qui ne marche pas fonctionne anormalement. Or, comment en être sûr ? Souvenez-vous, je vous en ai déjà parlé.

En tout cas, même le plus favorable, l'action, par le seul effet de la confrontation à la réalité, va s'écarter peu-à-peu de l'hypothèse de départ. Cet écart doit être Observer.

Cette action implique également une réaction de l'environnement, des autres acteurs (clients, fournisseurs, concurrents, actionnaires, autres parties prenantes). Certaines de ces réactions ont pu être anticipées, avec plus ou moins de succès, d'autres seront des surprises.

Tous ces éléments d'information vont nourrir de nouveau la boucle OODA. Nous sommes prêts pour sa prochaine itération.

La boucle est ainsi bouclée et reboucle. 

Mais avant de conclure, deux cas particuliers.

L'annonce, l'explication de la décision est une action

Ce cas porte un nom : l'effet d'annonce.

L'annonce d'une décision provoque souvent dans l'environnement une réaction d'anticipation qui génère les effets qu'aura sa mise en œuvre bien avant la première action effective.

Cet effet peut aussi être instrumentalisé. C'est le cas lorsque cette anticipation est, au final, un effet recherché, voire le seul.

Il doit, en toute hypothèse, être pris en compte.

L'annonce d'une décision est le première étape de l'action.

Récemment, j'ai eu connaissance de l'évolution de la boucle OODA vers une boucle OODAE (E pour Explain, Expliquer). Expliquer ici correspond à toute la communication, le narratif, qui entour l'action.

Cela permet de faire le lien entre l'action et le récit dans lequel elle s'inscrit mais aussi de lutter contre les autres récits, pas toujours bienveillants, qui pourraient détourner son sens. En pratique, cela peut par exemple consister à filmer son action dans la durée afin de pouvoir communiquer ou répondre à des images filmées par d'autres qui se révèleraient parcellaire, voire trompeuses.

Mais parfois, l'action précède la décision.

L'action avant de décider (voir l'article sur Observer)

C'est une situation trop complexe, ou encore avec trop d'inconnues. Il n'y a pas assez de matière pertinente pour décider. Alors on va agir, un peu, une ou quelques actions, parfois même contradictoires, juste pour voir. 

Cette façon de procéder demande une grande maîtrise. C'est un outil à manier avec grande précaution. Il faut notamment bénéficier d'un bon capital confiance.

Ainsi, la boucle OODA devient, en quelque sorte, la boucle AOOD. C'est l'action qui devient la porte d'entrée. Agir avant de comprendre, dans le but de comprendre.

Exposée de cette façon, cette méthode peut sembler folle, or c'est quelque chose que nous avons toujours fait, et depuis le plus jeune âge. C'est même notre premier mode d'apprentissage, pour marcher, parler. Le corps de l'humain, de l'entreprise, est le premier pourvoyeur d'information. Cette méthode est largement sous-estimée. Je vous en ai déjà parlé dans le billet consacré à "orienter".

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Au cours de ces quatre billets consacrés à la boucle de BOYD (OODA), nous avons vu que décider n'est pas seulement une activité intellectuelle, mais qu'elle fait également appel aux émotions, à la sensibilité ou encore à nos sens et à nos interactions.

Lors de notre prochain rendez-vous, je vous propose un billet de synthèse présentant l'usage de cette boucle, ses risques et ses opportunités.

Il existe quantité de citations très inspirées au sujet des bienfaits du passage à l'action. Je vous en propose une décalée en lien avec les fêtes de fin d'année qui approchent et que je vous souhaite les meilleures.


Il vécurent enfants et firent beaucoup d'heureux !




Thierry Cammarata

arbitrium14
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Image par marcelkessler de Pixabay 

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